Publié le 28 septembre 2023
[Dans les coulisses d’EPOPEA – épisode #3] – Lire les autres épisodes
Au travail ou à la maison, sur la route ou dans le train… Nous n’en avons pas toujours conscience, mais chaque instant de notre vie est façonné par la construction. Or, cette dernière, fortement émettrice de CO2 doit s’adapter afin de réduire l’impact de ses émissions. À Caen, BUILDERS École d’ingénieurs, l’ex-École supérieure d’ingénieurs des travaux de la construction (ESITC), n’a pas attendu pour agir. Le virage a même été amorcé il y a déjà quelques années.
« Les futurs ingénieurs devront encourager un changement de paradigme dans leurs entreprises en arrivant avec de nouvelles solutions, soutient Mohamed Boutouil, directeur délégué. Nous devons modifier notre façon de construire car notre activité est impactante, non seulement sur les émissions de CO2 mais aussi sur l’énergie, la biodiversité, l’occupation des sols ou la consommation des ressources naturelles disponibles en quantité limitée. »
Formant 900 apprenants du niveau Bachelor jusqu’au doctorat, BUILDERS École d’ingénieurs est concernée au premier chef par cet enjeu.
L’heure n’est plus à la sensibilisation. BUILDERS École d’ingénieurs a déjà modifié sa maquette pédagogique. Les principes de la construction et de l’architecture restant les mêmes, les enseignements n’ont pas été remplacés par d’autres. Mais de nouvelles connaissances sont désormais prises en compte pour répondre aux contraintes d’un métier qui se complexifie. Mohamed Boutouil décrypte cette évolution : « Il y a quelques années encore, on bâtissait en ne considérant que la phase de conception-construction. Aujourd’hui, nous devons envisager un bâtiment depuis l’extraction de la ressource jusqu’à sa fin de vie. Celle-ci sera peut-être de 100 ans pour un bâtiment, ou 150 ans pour un ouvrage d’art. L’impact du CO2 se mesure désormais sur l’ensemble du cycle de vie. »
Pour opérer ces changements, l’école couple la formation et l’innovation à travers son laboratoire de recherche. Son activité se concentre sur deux axes : la durabilité des matériaux, notamment des ciments en milieu marin, et le développement des matériaux alternatifs à partir de ressources issues du recyclage. Plusieurs projets d’études se sont concrétisés par des applications innovantes, comme ces bordures de trottoir réfléchissantes incluant du verre non recyclable. Une alternative pour limiter l’utilisation de granulat dont l’extraction est coûteuse et énergivore.
Les élèves ingénieurs ont également conçu un pavé drainant qui a fait l’objet d’un dépôt de brevet en 2015. Le granulat est en partie remplacé par des éclats de coquilles-Saint-Jacques, un déchet produit en grande quantité par la pêche normande. Ces éco-pavés aideront à lutter contre l’artificialisation des sols lorsqu’ils seront produits à grande échelle par des industriels.
Et pour proposer des alternatives au sable qui se raréfie, le laboratoire revisite actuellement la technique ancestrale de la construction en bauge. « Des expériences sont menées sur ce matériau pour en accélérer la mise en œuvre. Cela permettrait de massifier l’usage de la terre crue à l’échelle de lotissements entiers, alors qu’il est encore réservé aux auto-constructeurs. »
Originaire de Bordeaux, Lally Garrigue a obtenu son diplôme d’ingénieure après avoir intégré l’école post-bac. Au terme de son dernier stage dans un laboratoire d’Eurovia, Lally a décidé de se consacrer à la recherche en préparant une thèse CIFRE* avec l’entreprise Neveu. Son sujet d’étude ? Le développement d’un matériau de construction recyclant les sarments de vigne. Cette ressource, inépuisable si l’on maintient la surface de vignes cultivées, permettrait de produire une brique isolante issue de la biomasse. Pour trouver une application économiquement viable, Lally s’appuie sur les équipements du laboratoire et bénéficie d’un suivi pédagogique. « Notre objectif est de recueillir assez d’informations pour lancer un bâtiment démonstrateur. Nous l’équiperons de capteurs pour suivre l’évolution des matériaux, ce qui permettra de valider sur le long terme les résultats obtenus au labo. »
Ces recherches sur un sujet encore inexploré pourraient faire émerger une filière de collecte qui reste à organiser.
*CIFRE : Le dispositif des Conventions industrielles de formation par la recherche permet à une entreprise de bénéficier d’une aide financière pour recruter un(e) jeune doctorant(e) dont les travaux de recherche, encadrés par un laboratoire de recherche, conduiront à la soutenance d’une thèse.
Installée sur le campus 2 de l’Université de Caen Normandie, BUILDERS École d’ingénieurs (anciennement ESITC) est gérée par une association Loi 1901 à but non lucratif. Au service des entreprises et ouverte à l’international, l’école propose des Bachelors, Ingénieur Construction et Mastères Spécialisés.
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