Publié le 21 septembre 2023
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Derrière les murs blancs des bâtiments du Grand Accélérateur National d’Ions Lourds (GANIL), au nord de Caen, les machines sont énormes et complexes. Il faut au moins ça pour explorer l’infiniment petit. Depuis 2016, année de l’inauguration de son accélérateur linéaire SPIRAL2, le GANIL est devenu dans, un certain nombre de domaines, l’installation la plus performante au monde.
Dans cet équipement, unique, les chercheurs étudient le noyau de l’atome grâce à des faisceaux d’ions. Il faut savoir que ce noyau, caché au centre de l’atome, est 100 000 fois plus petit que lui.
« Les recherches spécifiques que nous menons portent sur l’origine des éléments qui forment notre terre et qui ont été produits il y a des milliards d’années au cours de la vie d’étoiles », indique Fanny Farget, directrice adjointe du GANIL.
C’est ce qu’on appelle de la recherche fondamentale afin de mieux comprendre la matière qui nous entoure et dont nous sommes faits. Pour explorer ce noyau de l’atome, les physiciens le mettent à rude épreuve en le projetant à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres par seconde sur d’autres noyaux. Depuis sa mise en service, en 1983, le GANIL a permis de découvrir plus de 100 noyaux jusqu’alors jamais observés !
Tout cela peut paraître un peu compliqué. Pour faire simple, différentes machines vont permettre de produire des faisceaux d’ions, de les accélérer et de les envoyer sur une cible de matière pour provoquer des réactions nucléaires. Au départ du faisceau, la source d’ions est l’endroit où les atomes, électriquement neutres, destinés à être projetés sont transformés en ions, la condition pour les accélérer.
« Un ion est un atome auquel on a enlevé un ou plusieurs électrons. On fait un ion pour casser la neutralité de la matière, insensible au champ électrique, et la transformer en matière sensible. Pour produire les ions, on a besoin d’une source d’ions. C’est un objet technique qui prend des atomes et leur arrache des électrons (épluchage), ce qui les transforme en ions. L’épluchage se fait dans une sorte de four à micro-ondes qui produit une décharge électrique continue », explique Pierre Chauveau, un des « sourciers » du GANIL, en charge de développer de nouveaux faisceaux.
Devenu ion positif, on peut alors l’accélérer et le guider par un croisement de champs électriques et de champs magnétiques. C’est la fonction des cyclotrons, les fameux accélérateurs du GANIL. Au tiers de la vitesse de la lumière, le faisceau sort du cyclotron et va bombarder une cible dans l’une des salles d’expériences du laboratoire.
Les chercheurs vont alors mesurer les effets de la collision grâce à des détecteurs puissants et remplis d’électronique qui analyseront les fragments et les rayonnements issus des impacts entre noyaux.
Les qualités des faisceaux d’ions du laboratoire en font des outils remarquables qui, au-delà de la recherche fondamentale, servent aussi à la recherche appliquée comme la physique atomique, les matériaux ou la radiobiologie. Les faisceaux d’ions sont aussi utilisées pour des applications industrielles : fabrication de membranes microporeuses, irradiation de composants électroniques embarqués dans des satellites.
« L’étude des rayonnements sur le vivant s’inscrit dans le développement de nouvelles techniques de thérapie pour le cancer, dont un exemple est le nouveau centre d’hadronthérapie CYCLHAD (attaquer la tumeur grâce à un faisceau d’ions en réduisant les dommages collatéraux), installé à proximité de notre laboratoire. L’instrumentation que nous développons permet de proposer des techniques de dosimétrie modernes et la production de radioisotopes innovants. L’étude de ces rayonnements sur le comportement de la matière permet aussi d’investiguer de nouveaux matériaux ou des composants électroniques plus durables pour l’industrie du nucléaire ou du spatial », poursuit Fanny Farget.
Un tel équipement ne vit donc pas en vase clos mais échange, communique et partage avec d’autres labos dans le monde. Chaque année, le GANIL accueille plusieurs centaines de chercheurs et ingénieurs pour réaliser des expériences et participer à des projets scientifiques. Ainsi, la communauté scientifique du laboratoire réunit près d’un millier de chercheurs issus de 65 laboratoires et répartis dans 30 pays. De nombreux projets de recherche y sont développés en collaboration avec ces scientifiques internationaux dans le cadre d’accords ou de financements européens.
En juin 2023, une bonne nouvelle est venue fêter dignement son 40e anniversaire, consolidant sa production scientifique. Lors de sa visite des installations caennaises, Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a annoncé le financement de 40 millions d’euros pour la modernisation des équipements du GANIL. La somme permettra d’accompagner la rénovation des cyclotrons grâce à un investissement permis par la Loi de programmation de la recherche.
C’est un signal fort, d’une confiance et d’un soutien au plus haut niveau des activités de l’équipement normand.
Ce financement permettra également de finaliser une salle expérimentale du projet SPIRAL2 (Système de Production d’Ions Radioactifs Accélérés en Ligne) , accélérateur entré en fonctionnement en 2018 après un investissement record de plus de 138 millions d’euros. Toujours plus puissant, encore plus intense, cet accélérateur linéaire supraconducteur permet d’explorer les scénarios de formation de la matière avec une précision inégalée à ce jour.
Né en 1976 à Caen, le GANIL (Grand Accélérateur National d’Ions Lourds) est aujourd’hui l’un des grands laboratoires internationaux pour la recherche avec des faisceaux d’ions. Depuis sa mise en service et la première expérience réalisée en 1983, les recherches menées au laboratoire ont permis d’importantes avancées en physique nucléaire. Avec la nouvelle installation SPIRAL2 (Système de Production d’Ions Radioactifs Accélérés en Ligne), de nouvelles perspectives de recherche vont pouvoir être engagées au GANIL.
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